Cahiers de philosophie politique et juridique, n° 20/1992
La Fondation des normes
Chacun commence aujourd’hui à s’en convaincre : l’essor de l’individualisme démocratique – qui plonge ses racines dans les théories du droit naturel moderne – s’accompagne d’un inéluctable retrait des représentations traditionnelles dans le registre éthico-juridique, l’idée que la source de la loi puisse s’inscrire dans une réalité autre que la volonté des hommes est rejetée par un monde démocratique dont la laïcité est devenue, sur le plan public, le principe fondamental. Cet effacement de l’ordre traditionnel ne va pas sans difficultés : comment, notamment, penser le lien social s’il ne tient plus à des normes et à des autorités extérieures aux hommes ? Et comment, surtout, concevoir dorénavant la détermination des limites qu’impliquent l’éthique et le droit ?Devant de telles interrogations, c’est la référence à l’argumentation qui, dans divers courants de la philosophie politique et juridique contemporaine, fait aujourd’hui diptyque avec la référence à la pensée traditionnelle.Mais, il faudrait donner une meilleure définition de cette dimension de l’argumentation. Une question devrait ainsi guider la réflexion : les procédures formelles de l’argumentation permettront-elles de tracer des limites substantielles, comme le faisaient autrefois les ordres traditionnels ?